Totalitarismes et tous les "ismes"
« Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles ». Ces mots de Max Frisch, hérités du passé.
Aujourd’hui, le « pas de vagues » étouffe les gorges silencieuses. Le « pas de vagues » est porteur de cette lame de fond qui finit un jour par tout emporter sans distinction. Les silencieux, comme les courageux.
Cette lame de fond est la grande faucheuse de l’histoire humaine, qui pour se sauver, clame le mot « liberté » tel un bouclier. Mais aux premiers cris des tribuns, ces mêmes humains sont enclins à la sacrifier.
Résurgence des passés, le tribun crie comme un nouveau-né ; prêt à s’emparer du pouvoir dans lequel il projette sa silhouette sculptée dans le marbre de la grande histoire.
Le peuple semble avoir oublié le passé. Le peuple lui sert de marchepied. Et lorsqu’il aura triomphé, le faussaire n’hésitera pas à les bâillonner.
Une nouvelle fois, le peuple a voté. Une nouvelle fois, il est berné.
La porte est grande ouverte… s’infiltrent tous les « ismes » et tous les « istes ».
Vaincre le totalitarisme. Légitime combat. Mais le plus souvent pour y parvenir, les tribuns populistes emploient les mêmes méthodes que celles qu’ils dénoncent du camp adverse.
Radicalité des extrêmes. Opacité des alliances. Pour faire passer leurs idées ou toutes celles qu’ils n’ont pas, ils font monter les enchères du clientélisme ; quitte à devenir les complices des pires « istes ».
Que sont devenues la République, l’école laïque, la liberté d’expression, l’universalité des esprits qui laissaient la place à tous dans le grand amphi de la cité partagée ?
Autrefois, on se battait pour les minorités. Les mêmes droits pour tous.
Aujourd’hui, commence l’ère tribale, qui au nom des libertés, tombe dans les pires excès.
Autrefois, la libre création. Aujourd’hui, régression.
Censure. Autocensure. On est pointé du doigt, dès que l’on s’insurge des abus d’un groupe, d’une minorité, de ceux d’une communauté. Amalgames assurés. L’ère victimaire semble triompher.
Pour les calmer, de singuliers dédommagements leurs sont donnés et deviennent pour tous des critères prioritaires d’éligibilité : cases cochées, quotas assurés. Autrefois, le contenu.
Danger de mort. Les cibles sont désignées. Les plus courageux, ceux qui ont osé parler, analyser, alerter, vivent désormais sous protection policière. Pas la moindre solidarité d’un élan populaire pour les sortir de cette souricière.
Les enchères du clientélisme deviennent le seul programme des politiques, qui à l’instar des valeurs boursières, ont un même objectif. Le pouvoir… à n’importe quel prix.
Et l’histoire devient des pages que l’on déchire sous le joug d’un entrisme ; le confluent de nombreux « istes ».
Et les heures les plus sombres reviennent à la surface du monde, de notre monde.
Autrefois, les idées. Autrefois, les débats.
Aujourd’hui, idéologies meurtrières, populismes sans frontière.
Les uns vocifèrent l’ère révolutionnaire, les autres, dans l’ombre de leur vernis, préparent l’ère réactionnaire.
Autrefois, la terreur. Aujourd’hui, la terreur… Catharsis des temps nouveaux pour justifier tous les « ismes », déclinés à l’infini.
Autrefois, les pantoufles.
Aujourd’hui, « le pas de vagues ».
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