2019 - Notes cinématographiques



Notes cinématographiques - une sélection de quelques films - année 2019



"Lighthouse" de Robert Eggers

 

Robert Eggers... Un nouveau maître du genre fantastique. À donner à ce huis clos en noir et blanc une incontestable force déconcertante. Un monde dans lequel le corps "pelliculaire" devient à part entière un personnage qui absorbe les autres. Une traversée où la lumière n'est pas même une source de salut. Un univers oppressant. Une interprétation à couper le souffle jusqu'à une mise en terre... À nous faire trop vite oublier que l'on est en mer. Un film où l'on croit se perdre, mais où l'on retrouve la puissance d'un cinéma innovant...

 

 

"Le lac aux oies sauvages" de Diao Yinan

Quand le cinéma chinois redonne au film noir ses lettres de noblesse, tout en rendant hommage à ses pairs... On assiste à un grand moment cinématographique. Chaque plan est une œuvre d'art, une traversée de la nuit où la rédemption passe par les femmes. Les êtres se frôlent à l'orée de cette lisière où l'amour pourrait devenir, mais il ne fait que naître là où il ne pourra jamais éclore. De cette noirceur, il en ressort étrangement une douceur et une ouverture vers le chemin de nouveaux possibles. Mais pour cela... les êtres de la nuit doivent s'éteindre. 



"Ad Astra" de James Gray

Un moment de cinéma où l'intime de l'être s'imbrique dans la vastitude de l'univers. Ce film est presque un huis clos aux confins de notre système solaire. Certaines scènes nous renvoient à "2001, l'Odyssée de l'espace". Un clin d'oeil où l'homme se retrouve face à lui-même et son mystère. Magnifique interprétation de Brad Pitt. Seul petit bémol... la fin nous ramène presque trop sur terre avec des "valeurs dogmatiques" dont notre temps n'est visiblement pas encore émancipé. Mais au-delà... le voyage est là. 


"Un jour de pluie à New York" de Woody Allen

Ce Woody Allen est une belle réussite. New York, l'éternelle ; tout comme la jeunesse. Une traversée sous la pluie où les apparences finissent par retrouver une certaine authenticité... entre les gouttes. Un délice cinématographique.

 

 

"Bacurau" de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles

Ce film qui mélange les genres cinématographiques et enchevêtre les temps est une belle réussite. Un hymne à la solidarité, à la résistance politique au Brésil ; au rythme d'un suspense haletant dans une atmosphère insolite où l'âme de la terre et des ancêtres veille. 



"Joker" de Todd Philipps

Un film d'une inattendue et déconcertante force "politique" !! Une interprétation magistrale et de Joaquin Phoenix. Un film d'une profonde et troublante noirceur où les frontières des codes et valeurs deviennent troubles. Une belle surprise qui nous entraîne malgré nous au-delà de tous points de repère.

 


"Atlantique" de Mati Diop

Un film magnifique, d'une grande puissance où l'amour et ses miroirs brisés, où l'océan et tous ces morts qu'il a engloutis, transcendent le réel. À rappeler aux vivants leurs cécités et leurs silences. Ces plans récurrents sur l'océan sont d'autres miroirs qui nous renvoient à notre monde et à son actualité.



"Pour Sama" de Waad al-kateab et Edward Watts

Quand filmer devient le poumon de la vie au coeur du chaos et de l'enfer... quand chaque plan est un acte de révolte et de survie, une trace d'amour pour ceux qui nous entourent, mais aussi de mémoire pour tous ceux qui tombent... quand les enfants meurent sous nos yeux, malgré tous ces incommensurables efforts à tenter de sauver le plus grand nombre et que la caméra filme, filme, filme inlassablement à épuisement, comme un cri de justice face au silence du monde... s'effondrent tous les écrans de ce même monde, s'évaporent tous les débats en une pluie de cendres. Et tous les murs érigés par les tyrans et dictateurs de tout poil deviennent le miroir des lâchetés de tous ceux qui auraient pu influer sur le cour de l'histoire, mais qui ont laissé faire... 


 

"Au bout du monde" de Kiyoshi Kurosawa

Film en "apparence" presque insaisissable, voire déconcertant. Et pourtant... l'émotion, comme une bombe à retardement. Dépasser l'errance d'un tournage qui entraîne les personnages dans un flux incontrôlé, jusqu'à cette lisière où ce qui est essentiel pour soi devient une évidence. Et le choc des cultures, une subtilité qui relie les humains au fil d'une narration où se tissent, dans des "temps morts", ce temps fondateur où la vie reprend forme et souffle. Force émotionnelle. La traversée de scènes inattendues où les mains se tendent, où les liens se tissent dans l'instant fugace d'une inaltérable profondeur. Apprendre l'autre. Apprendre à choisir et à discerner son chemin... C'est peut-être là que la destinée peut s'accomplir. 


 

"La cordillère des songes" de Patricio Guzman

 

En ces temps où le fascisme et les dictatures de tout poil semblent vouloir renaître de leurs cendres, ce magnifique film de Patricio Guzman, nous rappelle, entre autres, que ces cendres ne furent jamais complètement éteintes et que le travail de mémoire est une chaîne humaine, un rempart, qui malgré sa fragilité est d'une nécessité absolue. La cordillère est toujours là. Une force, un témoin, une mémoire dont la partition à plusieurs temps est d'une déconcertante intemporalité.


"Un été à Changsha" de Zu Len 

Un polar insolite. Une traversée mélancolique... À frôler les lisières. Mais d'une beauté qui conduit vers la lumière. Un premier film très prometteur. 

 

"Institut Benjamenta" des frères Quay 


"Institut Benjamenta" est une magnifique traversée onirique et intemporelle. Un monde en noir et blanc imprégné d'une lumière envoûtante. Une atmosphère singulière parfois angoissante où Eros et Thanatos deviennent la trame d'une même partition. Un moment cinématographique rare.

 

 

"Une vie cachée" de Terrence Malick

 

Terrence Malick... Le sublime !! Magnifique moment de grâce cinématographique. Un hymne à la liberté, à l'amour et à tous ces héros anonymes qui ont donné leur vie pour cette liberté. Ce film est un hommage au combat d'un homme, Franz Jägerstätter, qui refuse de prêter allégeance à Hitler, non pas pour des raisons "politiques", mais parce qu'il sait que son acte est la voie juste... En fin de film, cette citation de George Eliot "… car le bien croissant du monde dépend en partie d’actes non historiques ; et si les choses ne vont pas pour vous et moi aussi mal qu’elles auraient pu aller, nous en sommes redevables en partie à ceux qui ont vécu fidèlement une vie cachée et qui reposent dans des tombes délaissées". 

 

 

"Sympathie pour le diable" de Guillaume de Fontenay 

 

Un film choc ! Quand la fiction devient la trame vivante du réel... La force de la mémoire contre l'oubli. Et toutes ces blessures qui altèrent...



"Portrait de la jeune fille en feu" de Céline Sciamma

Une belle lumière. Une belle image. Des plans qui se veulent des tableaux. La montée interminable du désir... à l'ennui. Un univers clos entre femmes où les hommes "toiles de fond" n'apparaissent que dans les dernières scènes pour bien marquer le trait sur la place injuste des femmes dans le domaine de l'art...Une mayonnaise qui malheureusement ne prend pas, malgré la pertinence du propos. Quand la beauté de l'art pour l'art en fait perdre la trace et quand les causes les plus nobles deviennent caricaturales... le temps s'éternise dans l'attente du clap de fin. Quel dommage ! 

 

"Tu mérites un amour" de Hafsia Herzi

Ce film n'est qu'une succession de scènes, de gros plan (close-up) justifiant l'unique faire-valoir de Hafsia Herzi. Des scènes où tous les poncifs meublent la vacuité du scénario et ne nous sont pas épargnés. Ce film est un ennui total, parfois même un agacement à vouloir quitter la salle. Ce qui est rarissime en ce qui me concerne. Aller au cinéma cela a un sens... mais là... on est où ? Devant une mauvaise série télé ? Oserais-je dire... même pas ! Un no man's land qui nous renvoie aux pires clichés des souffrances amoureuses (et non de l'amour) sans l'once d'une authenticité. Les larmes coulent mais on n'y croit pas. La seule personne qui nous fait revenir "au cinéma" est Djanis Bouzyani dans le rôle d'Ali qu'il interprète génialement. Il m'a retenue, chaque fois que j'ai voulu quitter la salle. 

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