Résumé du roman - Elles
Fukushima, "Sendai mon amour", Hamlet, les fantômes des hibakushas, l'amour qui unit ou sépare sur des malentendus, des illusions ; ce roman écrit en vers libres parle de tout cela.
Deux femmes à chercher l’autre là où il n’est pas. Deux hommes enfermés dans leur création à mélanger les mondes, à s’y perdre ; à retrouver leurs forces dans cet amour qu’ils proclament. L’un dans le reflet d’une plume, l’autre dans la transcendance d’une note de musique.
Superposition des êtres, des temps, des lieux. Aimer comme une errance de soi.
Tous droits réservés | Michèle Gautard
Divers extraits du roman - Elles
(...)
Hiroshi peignait avec les mots
Son écriture
Par endroits
Une sculpture
Sa plume explorait des terres
Où pas même le pas avait la certitude d’un sol
Sa poésie
Ne faisait pas recette
Sa condition sociale
L’avait mis à l’abri du besoin
Il pouvait écrire sans compter
Seuls les mots lui faisaient quelquefois défaut
Il était la figure de proue
D’un petit groupe
En marge du monde
Il écrivait
Pour faire quelque chose
Il écrivait pour jouer avec la vie
Mais surtout avec la mort
Il aimait la défier
S’en approcher
Parfois une volonté de la détruire
Comme s’il en avait les moyens
Entre chaque page
Il en laissait une blanche
Juste pour elle
Lorsqu’il ne la sentait plus
Il prenait la plume
Et l’enfonçait à meurtrissure
Dans les veines de sa poésie
Un besoin de savoir
Jusqu’où le souffle
(…)
(…)
Toi
Le poète
Tes mots
Devenus de simples soldats
Partis en éclaireur
A ma seule recherche
Comment te dire
Qu’il te fallait deviner
Tout ce que l’amour
En son mutisme le plus glacial
Sendai mon amour
La force de l’intérieur
Sendai mon amour
Nous seuls
Si seuls
Qui peut oublier
Tout ce que la source
Lorsque je t’ai rencontré
Tu savais avant moi
(…)
Que cherche-t-on
Là où nous nous trouvons
L’espace de ce temps
Que nous traversons
Le Japon
En mes veines
Mon pas s’emboitait naturellement au tien
Avant cet instant
Où je n’ai plus rien reconnu
Comme si tout ce que nous avions vécu
Avait subitement disparu
Je savais que c’était là
Sans rien pouvoir saisir
Incommensurable impuissance
A rassembler mes forces
Pour être
A nouveau
Mais quoi au juste
J’avais le désir immense de te retrouver
Je demeurais dans l’impossibilité terrifiante
Du moindre mouvement
Nous sommes de grands bâtisseurs
Nous sommes de grands destructeurs
Nous ne savons pas toujours
Ce que nos pas
(…)
(...)
On ne retrouve pas l’autre
Parce qu’il revient
Il était à quelques pas de la sortie
Il s’arrêta
Se frotta les yeux
Il n’avait pas de bagage
Il resta un moment
Immobile
Les yeux fermés
Au milieu de la foule
Derrière tes paupières closes
J’avais le sentiment
Que tu reconstituais mon image
Comme une force nécessaire
Pour le pas suivant
A cet instant j’ai failli crier ton nom
Mais la paroi de verre
M’a soudainement arrêtée
J’ai fermé moi aussi les yeux
La peur me terrassait
Tout était noir
Silencieux alentour
Derrière la glissière de mes paupières
Je t’ai aperçu
Flottant au milieu des eaux
(…)
(…)
Lorsqu’il rencontra Anne
Le frémissement d’un mouvement
Une empreinte familière
Elle portait
A évincer
A faire oublier
Tout ce qui avant
La note était là
Dans cette voix
Une caresse
A l’anéantir
La puissance des peaux
Où l’imperceptible
Dès qu’il était en elle
Il composait comme jamais
Il avait besoin d’elle
Comme la plume de son encre
Lorsque leurs regards
Pour la première fois se croisèrent
Il était marié depuis 20 ans avec Hélène
Ils n’avaient pas d’enfants
Il n’y avait pas de place
Pour cette création-là
Hélène avait très vite renoncé
A son désir de maternité
Seule sa musique
Pendant toutes ces années
Ils furent comme les deux doigts d’une seule main
Mais dans le silence de ses nuits
Johannes savait qu’une clé lui manquait
Lorsqu’il rencontra Anne
La note
Dans son regard
Sa voix s’en faisait l’écho bouleversant
Elle portait avec un naturel déconcertant
Cette clé qu’il avait toujours recherchée
(…)
Comme savait si bien le dire le cinéaste
L’amour ça fait mal
C’est sans doute cette douleur particulière
Qui lorsqu’elle nous pénètre
Nous fait penser à l’amour
Nous glissons les uns sur les autres
Sans véritablement s’atteindre
Lorsque nous croyons avoir rencontré
Ce n’était que de la jouissance
Une peau qui suintait d’impatience
Un désir d’amour à s’y méprendre
(…)
Tous droits réservés | Michèle Gautard