2025 - The brutalist - un film de Brady Corbet

“The brutalist”, un film de Brady Corbet


Une entrée dans l'obscurité. Des pas illusoires vers la lumière. La création comme planche de salut. L'est-elle vraiment ? Des plans serrés. Une lumière qui laisse toute sa part à l'ombre. Un corps à corps avec le réel et des temporalités. Un montage où les temps se dissolvent dans l'instant et la matière, dans la souffrance constante des chairs et du souvenir.


Le protagoniste, interprété par le génial Adrien Brody, est revenu de l'enfer des camps dans une quête d'éternité créative, comme unique moyen de survie. Où est-ce que "tout cela" conduit ?

 

Quand un jeune cinéaste américain, en l'occurrence Brady Corbet, nous montre le revers de la médaille du "rêve américain" dans un temps d'après-guerre, revisité dans la matière brute d'une œuvre monumentale qui se construit sous nos yeux, nous avons l'impression que ce qui s'éteignait sur ce territoire reprend vie, là où on ne l'attendait pas. 


L'art, comme une trace mémorielle, qui ne sera pas perçue comme telle dans un monde où les rêves se fabriquent à partir des apparences et de "la planche à billet vert". 


Il y a tant d'autres choses à dire sur cette fresque vertigineuse. Le montage partition (image et son), les plans au couteau ou comme une valse infinie ; la façon de filmer au plus près, parfois à distance, comme un contrechamp qui donnerait l'illusion de quelques ouvertures... Oui, il y a tant à dire…


Ça commence dès le générique début à l'horizontal, qui bien sûr « n’ouvre pas » le film. Quant au générique final, il devient une spirale infernale qui laisse la place à la musique, comme un vieux disque qui tournerait à l'infini. Dans le vide ? Pour la mémoire ? 


Mais entre le début et la fin... Il y a 3h35 qui passent à une vitesse... Presque trop court. La seule longueur (et quel dommage) l'entracte de 15'. 


Une fresque à voir absolument. Pour l'amour de l'art. Pour la force salvatrice de la mémoire. Une mémoire qui nous rappelle que l'idée de « liberté » n'est pas là où on nous l’avait « dessinée ». On avait beau le savoir. Il est important de le rappeler en ces temps.


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« (…) dès que l’on commence à écrire, tout devient fiction. » (Brady Corbet - Extrait de son interview - Cahiers du Cinéma, février 2025)


À la lecture de cette phrase, j’entends soudainement d’autres mots. Ils surgissent en écho, comme une interrogation, l’extension d’un imaginaire… « Dès que l’on commence à être, tout devient-il fiction ? » Notre mise au monde serait-elle une fiction ? Un mauvais rêve ? ... Jusqu’à cet instant où la douleur… insoutenable. 


Insoutenable le réel. Avoir la force de l’imaginaire à incarner de nouveaux mondes. L’imagination ne fait-elle pas corps avec le réel ? Ne provient-elle pas de l’esprit ?  Cette part invisible de notre réalité ?


D’où viennent ces choses que nous inventons ? Mémoires oubliées ? Endormies ? Souvenirs éteints de temps millénaires ? 


S’éveillent des fragments de l’histoire de l’humanité en nos chairs vivantes. 

Nous ne les avons pourtant pas vécus, tous ces souvenirs ; et pourtant, ils sont là, en nous.


Insondable besoin d’un ailleurs. Transcender le réel, comme une nécessité. 


Mais pourquoi ce réel, qui nous accueille, n’est-il pas à la hauteur de nos espérances ? Que lui manque-t-il pour que nous fassions appel à notre imaginaire ? Et quelle est la nature de cette force qui nous pousse à la création pour tenter d’exister ? Survivre. Vivre.


Être mis au monde et s’évaporer. 


L’art pour tenter de vivre. L’art pour oublier le pire du réel. 


Demeure la page blanche qui accueille. Demeure la page blanche qui efface. 


Que s’est-il passé entre le premier cri et le dernier souffle ? 


Générique début. Générique fin. 

Il était une fois, la vie. Et sans en savoir plus, clap de fin.


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